Modèle des modes de conversion des connaissances (cycle de vie)

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En résumé

Le modèle de Nonaka et Takeuchi en gestion des connaissances, également connu sous le nom de modèle SECI, a été développé par Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi. Il est présenté dans leur livre de 1995 intitulé "The Knowledge-Creating Company: How Japanese Companies Create the Dynamics of Innovation" (en français : "La société créatrice de connaissances : comment les entreprises japonaises créent la dynamique de l'innovation").

Le modèle SECI représente un processus en quatre phases par lesquelles l'information est convertie en connaissances tacites et explicites au sein d'une organisation. Les lettres SECI représentent les quatre modes de conversion des connaissances

Knowledge Creation Company
Knowledge Creation Company

« Notre modèle dynamique de création de connaissances est ancré dans le postulat fondamental que la connaissance humaine est créée et étendue au travers de l’interaction sociale entre connaissances tacites et explicites. Nous appellerons cette interaction «conversion des connaissances » [1]

Le modèle SECI

Modèle SECI
Modèle SECI

Tacite vs Explicite

Connaissances Tacites

subjectives, difficilement formalisables

  • Connaissance de l’expérience (corps)
  • Connaissance simultanée (ici et maintenant)
  • Connaissance analytique (pratique)

Ce sont les connaissances personnelles créées à partir des expériences et de l’intuition.

Elles représentent les tours de main qu’un individu a acquis lors de son travail au fil des années.

Ces connaissances sont difficiles à spécifier et à communiquer car elles son dépendantes de l’individu.

"La connaissance tacite est définie comme étant une connaissance enracinée dans l’action, dans les routines, dans un contexte spécifique. Elle correspond à la connaissance obtenue à travers l’expérience (les compétences par exemple), à la connaissance simultanée (liée à la situation immédiate) et à la connaissance analogue (aptitude physique)."[2]

Connaissances Explicites

Objectives, formalisables

  • Connaissance de la rationalité (esprit –raison)
  • Connaissance séquentielle (là et alors)
  • Connaissance digitale (théorie)

Elles peuvent être codifiées, formalisées et transmissibles sous forme de documents réutilisables indépendamment de l’individu qui les a spécifiées

"La connaissance explicite est la connaissance codifiée, transmissible dans un langage formel et systémique. Elle correspond à la connaissance rationnelle (dans l’esprit), à la connaissance séquentielle (réaction par rapport à la situation immédiate) et à la connaissance codifiée (production électronique)."[2]

Sociabilisation

apprendre par observation et imitation

"seul ou en petit groupe, l'apprenant part à la rencontre du contexte, des éléments de la vie quotidienne ou socio-professionnelle. Ces conceptions spontanées peuvent déjà être ébranlées par cette rencontre avec le terrain et aussi au sein du petit groupe d'explorateurs dont il fait partie. L'implicite se révèle, se traduit en situations, s'explicite"[2]

Exteriorisation

( souvent traduit sous le terme français Externalisation)

traduire les connaissances tacites dans des concepts explicites (métaphores, analogies, concepts, hypothèses et modèles)

" De retour en classe, l'apprenant ou son groupe étend ses représentations en les confrontant avec celles ramenées par les autres. Un langage commun s'élabore, les concepts apparaissent, des hypothèses s'élaborent... l'explicitation apporte sa force au collectif"[2]

Combinaison

assembler, ordonner, réorganiser les connaissances explicites

"L'organisation des variables, des connaissances explicites devient une nécessité. Le temps est venu pour la synthèse, la modélisation, la théorisation potentiellement l'organisatrice introduit des paramètres de convergence"[2]

Internalisation

  • apprendre en faisant les choses
  • assimiler, intégrer les connaissances en les mettant en pratique

"La nouvelle construction collective doit maintenant être éprouvée au niveau de nouvelles situations, de l'élaboration du projet collectif, de l'application en champ réel"[2]

Dynamique de création des connaissances (source : [3])

Pour analyser la création de connaissances I. Nonaka et H. Takeuchi (1997) s’appuient sur la spirale de création de connaissances puis définissent les conditions et les phases de son développement.

La spirale de création de connaissances dans l’organisation

Les quatre modes de conversion des connaissances définis par Nonaka (1991) au niveau individuel (socialisation, extériorisation, combinaison, intériorisation) vont aussi permettre la création de connaissances au niveau organisationnel (et inter-organisationnel).

Pour qu’il y ait création de connaissances organisationnelles, la connaissance tacite accumulée au niveau individuel doit être socialisée avec d’autres membres de l’organisation, puis doit à son  tour être intériorisée (voir Le partage des connaissances). Il s’agit bien ici de création collective et non de simple transmission, il y a une dynamique de transformation (knowing plus que knowledge) où le tacite est inséparable de l’explicite : voir Bayad et Simen 2003, voir Lièvre 2016.

Spirale de création des connaissances organisationnelles
Spirale de création des connaissances organisationnelles[4]
SECI et Spirale
SECI et Spirale

voir dimensions épistémologique et ontologique

Les cinq conditions de facilitation pour créer un savoir organisationnel

Pour Nonaka et Takeuchi, cinq conditions sont requises pour assurer le développement de cette spirale :

  • une intention organisationnelle : il faut une vision stratégique sur le type de connaissances qui doit être développées et le système de gestion permettant sa mise en œuvre;
  • l’autonomie : les idées originales qui émanent d’individus autonomes doivent se diffuser dans des équipes et deviennent alors des idées organisationnelles;
  • fluctuation et chaos créatif : il faut une attitude d’ouverture aux signaux de l’environnement, une rupture des routines, un chaos créatif qui renforce l’engagement subjectif des individus;
  • la redondance : il faut accepter la circulation d’informations au delà des exigences opérationnelles immédiates, au delà des frontières fonctionnelles;
  • la variété requise : il faut un accès rapide à la plus large variété d’informations qu’un individu peut juger nécessaire.

Les cinq phases du processus de création de connaissances organisationnelles

  • Phase 1 : le partage des connaissances tacites, les individus peuvent interagir par des dialogues en face à face pour partager leurs expériences, confiance mutuelle.
  • Phase 2 : la création de concepts, par le dialogue continu et la réflexion collective, le modèle mental partagé est verbalisé sous la forme de concepts explicites.
  • Phase 3 :  la justification des concepts, déterminer si les concepts nouvellement créés ont vraiment une valeur pour l’organisation.
  • Phase 4 : la construction d’un archétype, le concept justifié est converti en quelques chose de tangible et concret (prototype, mécanisme opératoire…).
  • Phase 5 : l’extension de la connaissance, le nouveau concept qui a été créé, justifié et modélisé se déplace vers un nouveau cycle de création de connaissances, à un autre niveau.
Les cinq phases du processus de création de connaissances organisationnelles
Les cinq phases du processus de création de connaissances organisationnelles[5]

Le rôle du management intermédiaire

Nonaka et Takeuchi considèrent que les cadres intermédiaires sont la clé de l’innovation continue. Ils prônent un management « Milieu-Haut-Bas », s’opposant aussi bien au modèle hiérarchique de Taylor (un management Haut –> Bas, de l’OST Organisation scientifique du travail) qu’au modèle de self-management contrôlé par la base (un management Bas –> Haut, voir Gouvernance  polycentrique), Les cadres intermédiaires seraient ainsi des ingénieurs de la connaissance, intersections entre les flux verticaux et horizontaux d’informations, des ponts entre les idéaux du sommet et les réalités de la base.

Voir la contribution de P. Lièvre dans le projet BoubaKeM : « Nonaka, la voie japonaise en matière de management des connaissances ».

Le concept de « Bâ » : un espace et un temps de création de connaissances

Nonaka définit le comme un espace partagé de relations émergentes entre des individus (voir Fayard 2002). Cet espace peut être physique (lieux de travail, qui peuvent etre dispersés) et/ou mental (expériences, idées, idéaux). Pour Nonaka, le est le cadre favorable dans lequel peut s’exercer la spirale de création de connaissances collectives (pour une discussion des concepts de communautés et de Bâ, voir  Peillon et al. 2006).

Modele SECI
Modele SECI

En vidéo

Références

  1. The Knowledge-creating Company: How Japanese Companies Create the Dynamics of Innovation. Ikujirō Nonaka, Hirotaka Takeuchi Oxford University Press, 1995
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 et 2,5 http://pentes-tunnels.eu/didact/didactpente/pente/apropos/KM.html
  3. http://www.sietmanagement.fr/modele-de-creation-de-connaissances-la-spirale-des-connaissances-i-nonaka-h-takeuchi/
  4. Facilitating knowledge exchange between health-care sectors, organisations and professions: a longitudinal mixed-methods study of boundary-spanning processes and their impact on health-care quality - Scientific Figure on ResearchGate. Available from: https://www.researchgate.net/figure/The-SECI-model-g-Group-i-individual-o-organisation-Source-Figure-1-entitled_fig1_257962196 [accessed 25 Sep, 2023]
  5. LIèVRE Pascal, BONNET Emmanuel, TANG Jing, « XXII. Ikujiro Nonaka. La théorie de la création des connaissances dans les organisations », dans : Thierry Burger-Helmchen éd., Les Grands Auteurs en Management de l'innovation et de la créativité. Caen, EMS Editions, « Grands auteurs », 2016, p. 449-468. DOI : 10.3917/ems.burge.2016.01.0449. URL : https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-management-de-l-innovation--9782847698121-page-449.htm