Des cartes pour voir les données

De WIKOM

Révision datée du 1 octobre 2023 à 17:20 par Admin (discussion | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Source : page 120 de [1]

1943 - Cette réalisation astucieuse avait une double fonction. Pliée, elle servait d'enveloppe et de papier à lettres aux soldats japonais. Dépliée, elle révélait une carte du monde aux couleurs vives indiquant les lieux de plusieurs grandes batailles. Deux petites baguettes tendaient une ficelle portant les drapeaux des alliés du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale.
1943 - Cette réalisation astucieuse avait une double fonction. Pliée, elle servait d'enveloppe et de papier à lettres aux soldats japonais. Dépliée, elle révélait une carte du monde aux couleurs vives indiquant les lieux de plusieurs grandes batailles. Deux petites baguettes tendaient une ficelle portant les drapeaux des alliés du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lorsque j'ai commencé à collectionner les cartes dans les années 1980, on ne parlait pas de visualisation des données ou d'infographie dans ce contexte. Les cartes étaient des cartes, rien de plus. C'est du moins ce que pensaient la plupart des gens. Pourtant, elles dissimulaient des éléments communs avec la visualisation des données. Car les cartes sont par nature des données visualisées. Elles reproduisent les informations géographiques en deux ou trois dimensions et représentent les données de la nature et des créations de l'homme au moyen de symboles graphiques. En outre, certaines ajoutent aux données cartographiques des représentations du temps, des quantités et des flux ou créent leur propre espace qui, s'il n'est plus uniquement géographique, reste spatial. Certains des documents de ma collection n'ont pas l'air de cartes, comme quelques-uns des exemples choisis ici. Mais à les regarder de plus près, on constate que ce sont bien des cartes.

Notre culture utilise et conserve les témoignages importants de la civilisation. La richesse des fonds cartographiques des bibliothèques et institutions culturelles du monde entier suffit à exprimer la valeur attribuée aux cartes. Elles incarnent leur époque et appartiennent à l'histoire dès lors qu'elles sont conservées pour la postérité. C'est mon but comme collectionneur: rapprocher les gens de cette extraordinaire histoire de la cartographie, du fond des âges à aujourd'hui. Grâce au numérique, il est désormais possible de faire entrer un immense corpus de cartes dans une base de données d'images haute résolution et de l'ouvrir gratuitement au monde afin que tous puissent le parcourir, en prendre connaissance, s'y perdre , et en tirer des enseignements. C'est ce que je fais; j'investis aussi dans le logiciel de gestion des données et dans la conservation des cartes physiques au Centre cartographique David Rumsey de l'université de Stanford, tout en continuant a collectionner les cartes les plus intéressantes que je trouve

Je suis en permanence à la recherche de nouvelles cartes et de nouveaux moyens de étudier.

Depuis quelques années, la visualisation des données occupe une place essentielle dans ma collection. Ces cartes et diagrames d'infographie ajoutent un quatrième élément à l'art, la science et l'histoire qui caractérisent les cartes. Ils révèlent des rapports complexes qui suscitent de nouvelles interprétations et réflexions à travers les couleurs et les formes qui profondeur symbolisent les dans la données perception représentées. Cette nouvelle profondeur dans la perception renverse notre idée de l'échelle. Car si nous élargissons notre vision, on peut dire que les données renferment plus de détails - soit l'inverse de l'idée d'échelle géographique.

Les 22 cartes que j'ai choisies pour ce volume incarnent 22 approches de la représentation cartographique des données. Chacune à sa manière propre, dont les légendes donnent un aperçu. En observant l'ensemble, on constate cependant des caractéristiques communes. Le tableau Imperia Sive Monarchiae de 1606 (p. 99), par exemple, recense les dates de début des règnes des principaux monarques de l'histoire. L'information y est représentée sous la forme de noms en cercles, des temps les plus anciens à la date de réalisation du graphique, avec des correspondances dans le carré central de dates. Le résultat est riche en symbolisme (le cours de la vie les limites du temps) et,même sans information géographique, les rapports entre les données sont assurément d'ordre spatial, créant une cartographie ou un espace propre. Cette infographie témoigne de la transcription des données sur un espace cartographique non-géographique

La Carte de la répartition de la population d'esclaves dans les États du Sud publiée en 1861 par Edwin Hergesheimer (p. 111 en haut, est un exemple de données par l'ajout de carte devenue visualisation de différentes nuances indiquant le pourcentage comté, sur d'esclaves dans la population de chaque la base du recensement de 1860. Le résultat est une carte choroplèthe à neuf nuances qui montre d'un seul coup d'œil nombreux. La carte est l'une de celles que le président américain Abraham Lincoln a le plus consultées pour concevoir ses stratégies miliaires et politiques pendant la guerre de Sécession Elle figure sur le célèbre tableau de Francis Carpenter de 1864 représentant la première lecture de la proclamation d'émancipation des esclaves par Lincoln à son gouvernement. Cette carte montre l'espace géographique transformé par la visualisation de données.

Entre ces deux exemples, on trouve les autres cartes de ma sélection. Certaines associent les deux éléments - l'espace des données et l'espace géographique - et d'autres ont recours à des méthodes spécifiques pour créer leur visualisation propre. Quelques-unes méritent d'être mentionnées.

La Carte d'influence de 1826 de Franz Raffelsperger analyse (p. 103 en haut) le système postal de l'empire des Habsbourg avec une précision unique pour l'époque Elle est à ce point en avance sur son temps qu'on la prendrait à première vue pour une carte du 20ème siècle. La comparaison avec la carte des trajets effectués par la compagnie aérienne chinoise CAAC en 1957 (p.120 en haut), qui fait appel à une technique similaire, est intéressante.

La carte de 1697 du canal royal du Languedoc (p. 100-101 en bas) donne une tournure intéressante à la méthode de l'espace géographique : elle représente d'une part le canal dans un espace "réel" à l'échelle et d'autres par 45 des ses principales écluses à plus grande échelle, ce qui donne d'emblée une idée du rapport entre le système total et ses parties. Elle ajoute les armoiries de plus de 70 des créateurs du projet, encloses dans une vrille ornementale qui unit les autres éléments - le système, ses sous-parties, ses auteurs - dans une vue d'ensemble.

L'atlas de l'eau de Californie de 1979 (p. 120 en bas) est un ouvrage pionnier du genre. Ses cartes et diagrammes racontent I'histoire de l'eau en Californie comme jamais auparavant. Il reprend le concept d'un atlas de données et s'appuie sur les méthodes des atlas de recensements de la fin du 19ème siècle dont il applique les méthodes aux données concernant l'eau. La page de cours d'eau mesurés et non modifiés qu'on voit ici raconte l'histoire des rivières de Californie avec une grande richesse de détails et explique comment elles ont été exploitées pour favoriser la vie et l'industrie.

On le voit sur ces exemples et sur d'autres, les cartes sont parfois bien plus que des cartes. Leur intérêt et leur pertinence sont plus grands que jamais au 21ème siècle car le < big data> et les technologies permettant d'archiver la vie sous tous ses aspects dépassent l'imagination. Or, les cartes peuvent être adaptées pour illustrer utilement avec force ces informations. Et tandis que nous nous préparons à ces nouvelles méthodes, nous pouvons jeter un regard en arrière sur la manière dont nos cartes illustraient autrefois les données, comme le fait ce livre, pour mieux comprendre et appréhender ce qui nous attend.

1957 - La compagnie aérienne chinoise CAAC Airlines a existé de 1949 à 1988. Cette carte schématique montre les trajets proposés au début de l'année 1957. Les encadrés sont rédigés en chinois, russe et anglais et renseignent sur le type d'appareil (selon la couleur), la fréquence des vols quotidiens, les numéros de vol et les heures d'arrivée
1957 - La compagnie aérienne chinoise CAAC Airlines a existé de 1949 à 1988. Cette carte schématique montre les trajets proposés au début de l'année 1957. Les encadrés sont rédigés en chinois, russe et anglais et renseignent sur le type d'appareil (selon la couleur), la fréquence des vols quotidiens, les numéros de vol et les heures d'arrivée
1979 - L'atlas de l'eau de Californie est un projet ambitieux de recherche et de cartographie de l'Etat de Californie, richement illustré par des cartes et des diagrammes. Cette double page illustre le cours de plusieurs cours d'eau (et compare, le cas échéant, le débit actuel et le débit "vierge" hypothétique avant altération artificielle du cours d'eau)
1979 - L'atlas de l'eau de Californie est un projet ambitieux de recherche et de cartographie de l'Etat de Californie, richement illustré par des cartes et des diagrammes. Cette double page illustre le cours de plusieurs cours d'eau (et compare, le cas échéant, le débit actuel et le débit "vierge" hypothétique avant altération artificielle du cours d'eau)

Références

  1. Rendgen Sandra Julius Wiedemann and Taschen GmbH. 2019. History of Information Graphics. Köln: TASCHEN.