Gestion des Connaissances
Source : [1]
La gestion des connaissances
Définir la Gestion des connaissances se révèle un exercice difficile si l’on considère l’étendue du concept. Il se situe à l’intersection de plusieurs champs disciplinaire tels que l’économie et la gestion, les sciences cognitives ou encore l’informatique avancée et plus largement les technologies de l’information et de la communication (TIC).
La gestion des connaissances peut être désigné comme « un ensemble de concepts et d’outils permettant aux membres d’une organisation de travailler ensemble et de faire le lien entre informations disponibles, production de connaissances et développement des compétences individuelles, collectives et organisationnelles » [2]. Cette définition est assez générale étant donné le caractère pluridisciplinaire de cette activité qui peut être conduite selon :
- La dimension organisationnelle et communautaire,
- La dimension modélisation de l’activité et de l’information,
- La dimension technologique.
A la croisée de 3 dimensions
La gestion des connaissances peut ainsi être conduite par la dimension organisationnelle et communautaire. Ces études doivent permettre de développer des démarches managériales et de gestion pouvant accompagner le pilotage d’actifs de l’entreprise et conduire le changement. Cette orientation peut être illustrée au travers des travaux relatifs au communautés de pratique [3]. Nous évoquerons également les travaux de Nonaka et Takeuchi [4]. Ils proposent le modèle SECI (Socialization – Externalization – Combination – Internalization) qui introduit une conceptualisation du processus de création de connaissances. De nombreux autres travaux peuvent être associés à cette direction pour l’analyse de réseaux de santé [5] [6] ou encore l’analyse de l’entraide en entreprise [7].
La gestion des connaissances peut également être guidée par la modélisation de l’activité et de l’information. Dans cette orientation, la démarche doit permettre d’aboutir à une représentation des connaissances pouvant être partagée, transférée, valorisée et pérennisée. La connaissance n’est pas en soi un « objet manipulable » [8]. Ainsi, nous sommes peu ancrés dans les paradigmes de connaissances tacites et explicites par exemple. N’appréhendant pas la connaissance comme un objet formalisable mais plutôt comme un élément s’ancrant dans un processus cognitif, la notion de connaissance explicite semble plutôt se rapprocher d’une information inscrite sur un support dans notre positionnement. C’est alors dans le processus d’interprétation de cette inscription que peut naître une connaissance qui sera assimilée par une personne. Le processus d’interprétation reste toutefois indéterministe au sens ou chaque personne va interpréter les choses selon ses spécificités liées à son origine ou encore sa culture. Il s’agit donc d’accompagner cette interprétation pour tenter de la guider au mieux. Aussi, dans l’étude que nous proposons dans ce mémoire, nous ne traitons que de représentations de connaissances. L’enjeu étant de clarifier au mieux le langage de représentation utilisé dans sa construction pour en faciliter l’interprétation.
Nous appréhendons alors une représentation de connaissance comme une inscription dans un langage particulier sur un support : cette représentation constitue alors une information. C’est en particulier à ce niveau que se situe l’ingénierie des connaissances relative au développement d’artefacts permettant de supporter l’activité de gestion des connaissances. Nous y reviendrons dans la section suivante.
Il est possible de dégager plusieurs vues relatives à cette activité de représentation de connaissances. La première est informationnelle et documentaire. Dans ce premier cas, l’objectif est de faciliter l’accès à des informations. Il s’agit de traiter les problématiques liées à l’hétérogénéité des informations en termes de forme et de structuration, de volume ainsi que d’évolution. Ce champ d’activité qui historiquement traitait de la gestion des livres et des documents représentait le terrain privilégié des sciences de l’information [9] et notamment la bibliothéconomie et de l’archivistique [10]. Par la suite, il s’est étendu à l’informatique avec la numérisation des supports informationnels.
Une deuxième vue correspond à la vue patrimoniale. C’est une vision largement emmenée par la vague du « Knowledge Management » des années 90 et la prise de conscience que les connaissances relatives aux savoirs et savoirs-faire d’une entreprise ou d’une organisation représentent un capital immatériel de premier plan. L’enjeu est ici de conserver ces connaissances afin de constituer une histoire technique et organisationnelle. Les livres de connaissances [11][12] peuvent être associés à cette vue ainsi que les approche relatives aux bases de récits d’expérience ou storytelling [13].
Enfin, une troisième vue correspond au soutien à l’activité. La modélisation de l’activité ou de l’information peut fournir une aide à la résolution de problème. C’est ici que se positionnent les travaux issus de l’intelligence artificielle par exemple. Elle peut également fournir une aide à la gestion de l’activité en contexte pour un individu. La représentation des connaissances sera plus ou moins codifiée et manipulable par la machine, selon que l’on s’inscrit dans une approche calculatoire et computationnelle ou non.
Quelle soit menée selon une approche organisationnelle ou selon une approche de modélisation, la gestion des connaissances intègre nécessairement une dimension technologique. En effet, si la cible correspond au développement d’une ressource papier, tout document de ce type prend une forme numérique à un moment ou à un autre de son cycle de vie. De même, les systèmes informatiques développés dans une approche de soutien à l’activité qu’ils soient appelés « systèmes de gestion de connaissances » ou « systèmes à base de connaissances », se concentrent sur le traitement et la valorisation d’informations numérisées. Enfin, les systèmes organisationnels sont de plus en plus souvent supportés par des infrastructures numériques (email, téléphone, forum, wiki…) qui médiatisent les échanges entre les personnes. L’information numérique devient incontournable et prend alors une place importante, voire cruciale.
Ainsi, la gestion des connaissances, s’appuyant sur les sciences et technologies de l’information, doit proposer des solutions pour gérer et valoriser au mieux les informations existantes, qu’elles soient numériques ou non. La gestion des connaissances s’inscrit également en créatrice d’informations et d’outils, s’agissant tout aussi bien de documents que de systèmes informatiques. Dans cette perspective, de nombreuses démarches ont été mises en oeuvre pour accompagner l’activité de gestion des connaissances aboutissant souvent à la production de nouvelles ressources informationnelles. La section suivante évoque sans volonté d’être exhaustive, quelques méthodes développées pour mener une démarche de gestion des connaissances.
Quelques méthodes
La définition proposée par Ermine de la gestion des connaissances, permet d’identifier deux dimensions inhérentes à l’activité de gestion des connaissances. L’une renvoie à l’aspect méthodologique et l’autre au développement d’outils supportant cette activité. Il n’y a bien évidemment pas une dichotomie entre ces 2 dimensions, l’outil impactant sur la méthode et inversement. L’engouement et l’enjeu qui gravitent autour de la gestion des connaissances ont donné lieu au développement de nombreuses méthodologies ayant pour ambition de supporter cette activité en se concentrant largement sur la problématique de l’acquisition ou capitalisation des connaissances.
Les méthodes développées sont donc nombreuses [14][8] et nous n’en citons que quelques unes ici. Tout d’abord, nous évoquons les méthodes comme KADS ou KOD [8]. Elles se concentrent sur le développement de ce type de systèmes à base de connaissances permettant la manipulation d’une représentation des connaissances par l’ordinateur. Ces méthodes se situent plus dans le prolongement et la logique computationnelle des travaux d’intelligence artificielle se focalisant largement sur le soutien à l’activité et mettant en œuvre des algorithmes de simulation et de raisonnement par exemple.
Dans une orientation plus centrée sur une vue informationnelle, la méthode REX [15] propose de capitaliser des éléments d’expériences sous la forme de « fiches de connaissances ». L’ensemble de ces fiches de connaissances doit alors constituer une mémoire. La méthode MKSM (Methodology for Knowledge System Management) pour sa part introduit des phases de cadrage, de modélisation et de capitalisation permettant le développement de diagrammes ayant pour ambition de décrire la connaissance selon différents points de vue. L’ensemble de ces diagrammes permet d’aboutir à un livre de connaissances [11][12]. A notre sens, fiches de connaissances et livres de connaissances ne constituent, non la connaissance en elle-même, mais bien une représentation de celle-ci inscrite sur un support. Cette inscription qui peut alors être consultée , sera, en effet, interprétée selon les propriétés de chaque individu. Cela justifie l’importance de la sémantique relative à cette inscription qui doit être identifiée et précisée afin d’accompagner l’appropriation.
Dans le prolongement de la méthode MKSM, la méthode MASK (Ermine 2003) ne se limite pas à la problématique de capitalisation mais veut couvrir l’ensemble du processus de gestion des connaissances se composant de la capitalisation, de l’appropriation et de la pérennisation des connaissances capitalisées. La capitalisation ne présente jamais un caractère exhaustif puisque les démarches mises en œuvre ne permettent d’identifier qu’une partie des connaissances de l’entreprise notamment celles pouvant être représentées et inscrites sur un support : il ne s’agit donc que d’un échantillonage. On introduit alors souvent la notion de connaissances cruciales (Grunstein et Barthès 1996) comme un sous-ensemble d’informations qui sont d’une grande importance pour l’entreprise. Beaucoup d’études portent alors à la fois sur le choix des connaissances à représenter (Saad et al. 2005), mais également sur les techniques d’entretien d’experts permettant d’identifier les connaissances qu’ils possèdent tout en stimulant leur créativité (Bouzaiène et al. 2002; Bouzaiène 2005). Les diagrammes collationnés sous la forme d’un livre de connaissances dans la méthode MKSM représentent un guide au développement de modèles conceptuels pouvant appuyer le développement d’outils tels les systèmes à base de connaissances (Matta 2004).
Les quelques méthodes évoquées permettant de produire de nouvelles ressources informationnelles ou de nouveaux outils. Ils constituent autant d’instruments pour accompagner les activités métier. Ces ressources sont plus ou moins numérisées, plus ou moins structurées et codifiées offrant ainsi un éventail de possibilités de valorisation de l’information. Cette démarche de développement d’outils renvoie à ce que l’on peut nommer l’Ingénierie des connaissances.
Références
- ↑ Approche méthodologique et instrumentale de construction et de restitution de documents structurés, Thèse de Doctorat, Samuel Parfouru Fichier:Phd SPARFOURU 2008.pdf [1]
- ↑ Ermine, J. L. (2000). La gestion des connaissances un levier stratégique pour les entreprises. Actes de IC 2000. Toulouse.
- ↑ Wenger, E. (2001). Communities of Practice : Learning as a social system, Cambridge University Press.
- ↑ Nonaka, I. et H. Takeuchi (1995). The Knowledge Creating Company, Oxford University Press
- ↑ Grenier, C. et B. Pauget (2006). "Analyse de la création de connaissances métier dans des réseaux d'acteurs professionnels : le rôle de la connaissance relationnelle." Gestion 2000 4(06).
- ↑ Benard, V. (2007). Conception d'un outil pour la coopération au sein d'un réseau de santé - une approche socio-technique. Informatique. Troyes, Université de Technologie de Troyes.
- ↑ Delalonde, C. (2007). Mise en relation et coopération dans les équipes de R&D distribuées. L'Application de l'Actor Network Theory dans la recherche de "Connaissances". Informatique. Troyes, Université de Technologie: 179.
- ↑ 8,0 8,1 et 8,2 Dieng-Kuntz, R., O. Corby, F. Gandon, A. Giboin, J. Golebiowska, N. Matta et M. Ribière (2001). Méthodes et outils pour la gestion des connaissances : Une approche pluridisciplinaire du Knowledge Management (2ème édition), Dunod.
- ↑ Le_Coadic, Y.-F. (1994). La Science de l'information, PUF
- ↑ Gagnon-Arguin, L. (1992). L'archivistique: Son Histoire, Ses Acteurs Depuis 1960, Archives Study and teaching Quebec: 250.
- ↑ 11,0 et 11,1 Ermine, J. L. (1996). Les systèmes de connaissances, Hermès.
- ↑ 12,0 et 12,1 Ermine, J. L., M. Chaillot, P. Bigeon, B. Charreton et D. Malavieille (1997). MKSM, a method for knowledge management. 5th International Symposium on the Management of Industrial and Corporate Knowledge, Compiègne, France.
- ↑ Soulier, E. (2003). Technique de Storytelling pour le partage de connaissances dans les communautés de pratique. Informatique. Paris, Université Pierre et Marie Curie (Paris VI): 397.
- ↑ Rose Dieng, Olivier Corby, Alain Giboin et M. Ribière (98). Methods and Tools for Corporate Knowledge Management. 11th Workshop on Knowledge Acquisition, Modeling and Management, Banff, Canada.
- ↑ Malvache, P. et P. Prieur (1993). Mastering corporate experience with Rex method. ISMICK, Compiègne, France.