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Comme nous l’avons vu dans la partie 1.2, il existe différentes formes de connaissance. Outre les connaissances tacites et explicites, il existe d’autres formes de connaissance particulière, comme la connaissance de l’expert. Cette connaissance, qu’on appelle expertise, est caractérisée par différents aspects. Sa particularité lui confère un intérêt stratégique et indispensable pour les organisations afin de pouvoir se démarquer de leurs concurrents. | Comme nous l’avons vu dans la partie 1.2, il existe différentes formes de connaissance. Outre les connaissances tacites et explicites, il existe d’autres formes de connaissance particulière, comme la connaissance de l’expert. Cette connaissance, qu’on appelle expertise, est caractérisée par différents aspects. Sa particularité lui confère un intérêt stratégique et indispensable pour les organisations afin de pouvoir se démarquer de leurs concurrents. | ||
Tout d’abord, selon le dictionnaire Larousse, un expert est une ''“personne apte à juger de quelque chose, connaisseur”'' (Larousse, 2023, b). Un expert est alors une personne ayant accumulé un certain niveau de connaissance sur un sujet ou dans un domaine particulier, lui permettant ainsi de prendre une décision au travers d’un jugement. Un expert est donc une personne détenant une expertise. L’une des premières caractéristiques de l’expertise est qu’elle s’évalue au regard d’un domaine spécifique (Dubois et al, 2005). | Tout d’abord, selon le dictionnaire Larousse, un expert est une ''“personne apte à juger de quelque chose, connaisseur”'' (Larousse, 2023, b). Un expert est alors une personne ayant accumulé un certain niveau de connaissance sur un sujet ou dans un domaine particulier, lui permettant ainsi de prendre une décision au travers d’un jugement. Un expert est donc une personne détenant une expertise. L’une des premières caractéristiques de l’expertise est qu’elle s’évalue au regard d’un domaine spécifique (Dubois et al, 2005)<ref name=":0">[Dubois et al, 2005]. Dubois, S. Mohib, N. Oget, D. Schenk, E. Sonntag, M. (2005). Connaissances et reconnaissance de l’expert. Les cahiers de l’INSA de Strasbourg, 2005, 1, pp.89-108. ffhal-00340969v2f. Consulté le 17 mai 2023 sur : https://hal.science/hal00340969v2/document </ref>. | ||
Ensuite, selon Dubois et al, (2005), l’expert se distingue du savant. Le savant se définit par la connaissance du savoir formalisé tandis que l’expert se définit par l’évaluation des problèmes à résoudre et des actions à entreprendre (Dubois et al, 2005). | Ensuite, selon Dubois et al, (2005), l’expert se distingue du savant. Le savant se définit par la connaissance du savoir formalisé tandis que l’expert se définit par l’évaluation des problèmes à résoudre et des actions à entreprendre (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. | ||
La connaissance de l’expert est donc la ''“connaissance de règles de haut niveau ou de lois générales, qui lui permet d’appréhender de nombreuses situations particulières par une sorte de démarche d’application”'' (Dubois et al, 2005). L’expertise est donc constituée de connaissances tacites permettant à l’expert de prendre des décisions de manière éclairée sur la base d’un savoir accumulé et répété. Ces connaissances sont devenues des ''“lois générales”'' par répétition et constituent parfois même certains automatismes. L’expert se caractérise alors par un certain niveau de compétence et une performance avérée dans son domaine (Lelebina et Sardas, 2011). | La connaissance de l’expert est donc la ''“connaissance de règles de haut niveau ou de lois générales, qui lui permet d’appréhender de nombreuses situations particulières par une sorte de démarche d’application”'' (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. L’expertise est donc constituée de connaissances tacites permettant à l’expert de prendre des décisions de manière éclairée sur la base d’un savoir accumulé et répété. Ces connaissances sont devenues des ''“lois générales”'' par répétition et constituent parfois même certains automatismes. L’expert se caractérise alors par un certain niveau de compétence et une performance avérée dans son domaine (Lelebina et Sardas, 2011). | ||
Grâce à ses expériences passées, l’expert construit des règles et des connaissances générales qu’il applique aux situations nouvelles : il ''“reconnaît des situations particulières à partir de règles générales”'' et contextualise donc en permanence ses savoirs et savoir-faire (Dubois et al, 2005). L’expert se distingue alors du ''“novice”'', personne étant dénuée de savoir et d’expérience dans un domaine, de par l’accumulation et la structuration de ses savoirs (Coulet, 2014)(Bédard et Chi, 1992)(Lelebina et Sardas, 2011). | Grâce à ses expériences passées, l’expert construit des règles et des connaissances générales qu’il applique aux situations nouvelles : il ''“reconnaît des situations particulières à partir de règles générales”'' et contextualise donc en permanence ses savoirs et savoir-faire (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. L’expert se distingue alors du ''“novice”'', personne étant dénuée de savoir et d’expérience dans un domaine, de par l’accumulation et la structuration de ses savoirs (Coulet, 2014)(Bédard et Chi, 1992)(Lelebina et Sardas, 2011). | ||
Selon Coulet, (2014), l’expert se distingue du novice de par ''“sa capacité : '' | Selon Coulet, (2014), l’expert se distingue du novice de par ''“sa capacité : '' | ||
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* ''“Effort cognitif : les experts peuvent extraire les connaissances et les stratégies pertinentes avec un minimum d’effort cognitif”'' (Lelebina et Sardas, 2011). '' '' | * ''“Effort cognitif : les experts peuvent extraire les connaissances et les stratégies pertinentes avec un minimum d’effort cognitif”'' (Lelebina et Sardas, 2011). '' '' | ||
L’expert est donc supposé détenir des connaissances et des savoir-faire permettant aux organisations de résoudre des problèmes spécifiques ou de prendre des décisions (Dubois et al, 2005) par la mobilisation de connaissances spécifiques (Coulet, 2014). Il est donc maintenant intéressant aux enjeux que représente l’expertise pour les organisations. | L’expert est donc supposé détenir des connaissances et des savoir-faire permettant aux organisations de résoudre des problèmes spécifiques ou de prendre des décisions (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" /> par la mobilisation de connaissances spécifiques (Coulet, 2014). Il est donc maintenant intéressant aux enjeux que représente l’expertise pour les organisations. | ||
=== Les enjeux de l’expertise === | === Les enjeux de l’expertise === | ||
De par son caractère spécifique et unique, l’expertise qui caractérise un individu est un enjeu fondamental pour les organisations. Les experts sont des ''“acteurs centraux”'' de la société de connaissance : dès qu’un problème s’annonce compliqué, le recours à un expert est envisagé (Dubois et al, 2005). Ces derniers sont expérimentés dans un domaine particulier, ils possèdent certaines compétences leur permettant ainsi de prendre des décisions plus rapidement et plus précisément que les novices (Bédard et Chi, 1992), ceci représentant un avantage stratégique. | De par son caractère spécifique et unique, l’expertise qui caractérise un individu est un enjeu fondamental pour les organisations. Les experts sont des ''“acteurs centraux”'' de la société de connaissance : dès qu’un problème s’annonce compliqué, le recours à un expert est envisagé (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Ces derniers sont expérimentés dans un domaine particulier, ils possèdent certaines compétences leur permettant ainsi de prendre des décisions plus rapidement et plus précisément que les novices (Bédard et Chi, 1992), ceci représentant un avantage stratégique. | ||
La quête d’action efficace est non-stop dans notre société, l’expert représente alors non seulement celui qui sait, mais aussi celui qui sait comment faire et qui sait conseiller (Dubois et al, 2005). Il y a donc une ''“nécessité de reconnaître les personnes à fort potentiel technique”'' (Lelebina et Sardas, 2011), autrement dit les experts, afin de gérer au mieux cette expertise dans les organisations. | La quête d’action efficace est non-stop dans notre société, l’expert représente alors non seulement celui qui sait, mais aussi celui qui sait comment faire et qui sait conseiller (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Il y a donc une ''“nécessité de reconnaître les personnes à fort potentiel technique”'' (Lelebina et Sardas, 2011), autrement dit les experts, afin de gérer au mieux cette expertise dans les organisations. | ||
L’expert est un “''Homme de connaissance et d’action, il incarne celui qui sait agir, décider ou conseiller pour décider, en connaissance de cause”'' (Dubois et al, 2005). Toute entreprise aura besoin d’experts dans différents domaines, l’expertise n’est pas requise dans tous les domaines, mais elle sera particulièrement nécessaire dans des domaines spécifiques et stratégiques. Par exemple, une expertise dans le domaine administratif est un plus dans une organisation, mais une expertise dans le domaine du nucléaire pour une entreprise de production électrique est un élément indispensable et stratégique. | L’expert est un “''Homme de connaissance et d’action, il incarne celui qui sait agir, décider ou conseiller pour décider, en connaissance de cause”'' (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Toute entreprise aura besoin d’experts dans différents domaines, l’expertise n’est pas requise dans tous les domaines, mais elle sera particulièrement nécessaire dans des domaines spécifiques et stratégiques. Par exemple, une expertise dans le domaine administratif est un plus dans une organisation, mais une expertise dans le domaine du nucléaire pour une entreprise de production électrique est un élément indispensable et stratégique. | ||
L’enjeu de la gestion des connaissances a été appréhendé par les organisations dès les années 1990, afin de développer leur connaissance organisationnelle. Les entreprises ont la volonté d’identifier et de partager les connaissances d’expertise, en oubliant parfois l’aspect individuel et distinctif. En effet, ''“les connaissances individuelles, issues de processus d’apprentissage individuels, sont considérées par l’individu comme sa valeur compétitive sur le marché du travail”'' (Lelebina et Sardas, 2011). L’expertise représente un enjeu majeur pour les organisations, afin d’être compétitive et de se démarquer, elles doivent identifier, capitaliser et transférer l’expertise. Pour autant, tout le monde ne peut pas devenir expert, le caractère distinctif et unique disparaîtrait pour s’apparenter à des connaissances explicites. | L’enjeu de la gestion des connaissances a été appréhendé par les organisations dès les années 1990, afin de développer leur connaissance organisationnelle. Les entreprises ont la volonté d’identifier et de partager les connaissances d’expertise, en oubliant parfois l’aspect individuel et distinctif. En effet, ''“les connaissances individuelles, issues de processus d’apprentissage individuels, sont considérées par l’individu comme sa valeur compétitive sur le marché du travail”'' (Lelebina et Sardas, 2011). L’expertise représente un enjeu majeur pour les organisations, afin d’être compétitive et de se démarquer, elles doivent identifier, capitaliser et transférer l’expertise. Pour autant, tout le monde ne peut pas devenir expert, le caractère distinctif et unique disparaîtrait pour s’apparenter à des connaissances explicites. | ||
Il peut être difficile pour les organisations de recruter des experts dans la mesure où elle ne possède pas les compétences requises pour les évaluer (Dubois et al, 2005). Un expert peut donc être considéré comme un individu dont la “''compétence est reconnue”'' (Dubois et al, 2005), il est alors intéressant de s’intéresser à la reconnaissance de l’expert dans les organisations. | Il peut être difficile pour les organisations de recruter des experts dans la mesure où elle ne possède pas les compétences requises pour les évaluer (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Un expert peut donc être considéré comme un individu dont la “''compétence est reconnue”'' (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />, il est alors intéressant de s’intéresser à la reconnaissance de l’expert dans les organisations. | ||
=== Reconnaissance de l’expert === | === Reconnaissance de l’expert === | ||
Après avoir défini l’expertise et appréhender ses enjeux, il est intéressant d’essayer de comprendre comment les individus sont qualifiés d’experts. Malgré de nombreux travaux et de théorie sur l’expertise, les entreprises ont du mal à définir clairement la notion d’expert (Lelebina et Sardas, 2011). Cela rend plus difficile la nécessité de repérer et préserver ces connaissances d’expertise. La question de la reconnaissance de l’expert ainsi que de sa légitimité dans l’organisation est donc un élément non négligeable pour les organisations. | Après avoir défini l’expertise et appréhender ses enjeux, il est intéressant d’essayer de comprendre comment les individus sont qualifiés d’experts. Malgré de nombreux travaux et de théorie sur l’expertise, les entreprises ont du mal à définir clairement la notion d’expert (Lelebina et Sardas, 2011). Cela rend plus difficile la nécessité de repérer et préserver ces connaissances d’expertise. La question de la reconnaissance de l’expert ainsi que de sa légitimité dans l’organisation est donc un élément non négligeable pour les organisations. | ||
Tout d’abord, pour qu’un individu soit considéré comme expert dans une organisation, il y a un besoin de ''“reconnaissance d’un rôle spécifique d’expert assuré par l’individu”'' (Lelebina et Sardas, 2011). L’expert a donc besoin d’une certaine légitimité pour exister dans l’entreprise. Cette légitimité peut émerger de plusieurs raisons : de par sa désignation par une institution (expert institutionnel) ou de par une reconnaissance au sein d’un groupe social[[Expert et Expertise#%20ftn1|<sup>[1]</sup>]] (expert émergent), de manière informelle (Dubois et al, 2005). Nombreux s’accorde sur le fait qu’un expert est reconnu au sein des organisations par leur détention d’un savoir et de compétence de haut niveau (Lelebina et Sardas, 2011). | Tout d’abord, pour qu’un individu soit considéré comme expert dans une organisation, il y a un besoin de ''“reconnaissance d’un rôle spécifique d’expert assuré par l’individu”'' (Lelebina et Sardas, 2011). L’expert a donc besoin d’une certaine légitimité pour exister dans l’entreprise. Cette légitimité peut émerger de plusieurs raisons : de par sa désignation par une institution (expert institutionnel) ou de par une reconnaissance au sein d’un groupe social[[Expert et Expertise#%20ftn1|<sup>[1]</sup>]] (expert émergent), de manière informelle (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Nombreux s’accorde sur le fait qu’un expert est reconnu au sein des organisations par leur détention d’un savoir et de compétence de haut niveau (Lelebina et Sardas, 2011). | ||
L’expert institutionnel est désigné par une institution, il jouit alors d’une autorité légale et son statut est peu remis en cause. Au contraire, l’expert émergent tire son statut grâce à une ''“reconnaissance de compétences et savoir-faire”'' au sein d’un groupe. Sa reconnaissance est le résultat d’un processus spontané qui repose sur le bouche-à-oreille par exemple, ce qui ne lui confère aucune autorité légale pour revendiquer son statut. Cette reconnaissance repose donc sur ses savoirs, ses expériences, son image et sa réputation (Dubois et al, 2005). Il est important de noter qu’il sera ici question d’expert émergent plutôt que d’expert institutionnel au vu du thème de l’étude. | L’expert institutionnel est désigné par une institution, il jouit alors d’une autorité légale et son statut est peu remis en cause. Au contraire, l’expert émergent tire son statut grâce à une ''“reconnaissance de compétences et savoir-faire”'' au sein d’un groupe. Sa reconnaissance est le résultat d’un processus spontané qui repose sur le bouche-à-oreille par exemple, ce qui ne lui confère aucune autorité légale pour revendiquer son statut. Cette reconnaissance repose donc sur ses savoirs, ses expériences, son image et sa réputation (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. Il est important de noter qu’il sera ici question d’expert émergent plutôt que d’expert institutionnel au vu du thème de l’étude. | ||
Ainsi, une définition de ce que représente un expert dans une organisation a été donnée par Lelebina et Sardas, (2011) : | Ainsi, une définition de ce que représente un expert dans une organisation a été donnée par Lelebina et Sardas, (2011) : | ||
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Enfin, selon Lelebina et Sardas, (2011), l’expert peut être reconnu en fonction de la détention de ''“savoir professionnel standard ou de savoir professionnel spécifique”''. Le savoir professionnel standard est un savoir détenu par un professionnel reconnu ayant des compétences dans un domaine, il a été embauché par l’organisation pour appliquer cette compétence en partant du postulat qu’il n’aura pas la nécessité de mobiliser ou de développer un savoir spécifique propre à l’entreprise. Le savoir spécifique quant à lui est un savoir professionnel spécifique à la particularité de l’entreprise développé depuis plusieurs années au sein de cette entreprise, qui nécessite un certain temps pour être acquise et qui est grandement stratégique du fait de sa similitude avec les connaissances tacites (Lelebina et Sardas, 2011). | Enfin, selon Lelebina et Sardas, (2011), l’expert peut être reconnu en fonction de la détention de ''“savoir professionnel standard ou de savoir professionnel spécifique”''. Le savoir professionnel standard est un savoir détenu par un professionnel reconnu ayant des compétences dans un domaine, il a été embauché par l’organisation pour appliquer cette compétence en partant du postulat qu’il n’aura pas la nécessité de mobiliser ou de développer un savoir spécifique propre à l’entreprise. Le savoir spécifique quant à lui est un savoir professionnel spécifique à la particularité de l’entreprise développé depuis plusieurs années au sein de cette entreprise, qui nécessite un certain temps pour être acquise et qui est grandement stratégique du fait de sa similitude avec les connaissances tacites (Lelebina et Sardas, 2011). | ||
Les experts sont donc élus experts sur la base de différents critères, mais surtout sur la base d’un savoir spécifique propre à une activité particulière. Les experts sont reconnus et légitimés grâce à leur ''“savoir pointu”'' et la manière dont celui-ci est perçu par les autres membres de l’organisation (Dubois et al, 2005). | Les experts sont donc élus experts sur la base de différents critères, mais surtout sur la base d’un savoir spécifique propre à une activité particulière. Les experts sont reconnus et légitimés grâce à leur ''“savoir pointu”'' et la manière dont celui-ci est perçu par les autres membres de l’organisation (Dubois et al, 2005)<ref name=":0" />. | ||
Les connaissances professionnelles sont indispensables à chaque personne exerçant une activité dans un domaine particulier : un concepteur IT se doit d’avoir certaines connaissances nécessaires à la conception informatique telles que des connaissances en informatique de base ou des connaissances en architecture fonctionnelle. Pour autant, les concepteurs d’application informatique propre à une entreprise se doivent d’avoir des “''savoirs spécifiques”'' (Lelebina et Sardas, 2011) du fait de la spécificité des applications en elle-même. C’est donc de ces “''savoirs spécifiques”'' qu’il sera question dans ce mémoire : les possibilités pour un concepteur expert de transmettre son savoir spécifique propre à l’entreprise et à l’application en elle-même. | Les connaissances professionnelles sont indispensables à chaque personne exerçant une activité dans un domaine particulier : un concepteur IT se doit d’avoir certaines connaissances nécessaires à la conception informatique telles que des connaissances en informatique de base ou des connaissances en architecture fonctionnelle. Pour autant, les concepteurs d’application informatique propre à une entreprise se doivent d’avoir des “''savoirs spécifiques”'' (Lelebina et Sardas, 2011) du fait de la spécificité des applications en elle-même. C’est donc de ces “''savoirs spécifiques”'' qu’il sera question dans ce mémoire : les possibilités pour un concepteur expert de transmettre son savoir spécifique propre à l’entreprise et à l’application en elle-même. | ||
----[[Expert et Expertise#%20ftnref1|[1]]] Au sein d’une communauté de pratique par exemple. | ----[[Expert et Expertise#%20ftnref1|[1]]] Au sein d’une [[Communautés et autres modes d'organisation|communauté de pratique]] par exemple. | ||
== Références == | == Références == |
Version du 11 novembre 2023 à 15:49
source : https://wiki.komansamparle.fr/images/c/c4/WEINACHTER_Lola_M%C3%A9moire_BA_2022_2023.pdf
L'expertise
Définition de l’expertise et de l’expert
Comme nous l’avons vu dans la partie 1.2, il existe différentes formes de connaissance. Outre les connaissances tacites et explicites, il existe d’autres formes de connaissance particulière, comme la connaissance de l’expert. Cette connaissance, qu’on appelle expertise, est caractérisée par différents aspects. Sa particularité lui confère un intérêt stratégique et indispensable pour les organisations afin de pouvoir se démarquer de leurs concurrents.
Tout d’abord, selon le dictionnaire Larousse, un expert est une “personne apte à juger de quelque chose, connaisseur” (Larousse, 2023, b). Un expert est alors une personne ayant accumulé un certain niveau de connaissance sur un sujet ou dans un domaine particulier, lui permettant ainsi de prendre une décision au travers d’un jugement. Un expert est donc une personne détenant une expertise. L’une des premières caractéristiques de l’expertise est qu’elle s’évalue au regard d’un domaine spécifique (Dubois et al, 2005)[1].
Ensuite, selon Dubois et al, (2005), l’expert se distingue du savant. Le savant se définit par la connaissance du savoir formalisé tandis que l’expert se définit par l’évaluation des problèmes à résoudre et des actions à entreprendre (Dubois et al, 2005)[1].
La connaissance de l’expert est donc la “connaissance de règles de haut niveau ou de lois générales, qui lui permet d’appréhender de nombreuses situations particulières par une sorte de démarche d’application” (Dubois et al, 2005)[1]. L’expertise est donc constituée de connaissances tacites permettant à l’expert de prendre des décisions de manière éclairée sur la base d’un savoir accumulé et répété. Ces connaissances sont devenues des “lois générales” par répétition et constituent parfois même certains automatismes. L’expert se caractérise alors par un certain niveau de compétence et une performance avérée dans son domaine (Lelebina et Sardas, 2011).
Grâce à ses expériences passées, l’expert construit des règles et des connaissances générales qu’il applique aux situations nouvelles : il “reconnaît des situations particulières à partir de règles générales” et contextualise donc en permanence ses savoirs et savoir-faire (Dubois et al, 2005)[1]. L’expert se distingue alors du “novice”, personne étant dénuée de savoir et d’expérience dans un domaine, de par l’accumulation et la structuration de ses savoirs (Coulet, 2014)(Bédard et Chi, 1992)(Lelebina et Sardas, 2011).
Selon Coulet, (2014), l’expert se distingue du novice de par “sa capacité :
- à structurer ses connaissances en fonction du but plutôt que des actions à produire ;
- à s’attacher à la structure profonde du problème plutôt qu’à ses traits de surface ;
- à utiliser une stratégie de planification descendante plutôt qu’ascendante ; - à utiliser des concepts pragmatiques plutôt que de réagir aux résultats obtenus” (Coulet, 2014).
Contrairement au “novice”, l’expert est en capacité d’analyser rapidement la situation à laquelle il est confronté en repérant les éléments signifiants, d’analyser les actions possibles et enfin d’analyser les conséquences de ses choix (Coulet, 2014). Les experts et les “novices” n’utilisent pas la même information pour prendre des décisions. Les experts ont structuré et créé des liens entre leurs connaissances, ils ont tendance à organiser leurs connaissances selon leur sens, alors que les novices ont tendance à les organiser selon leurs caractéristiques superficielles (Bédard et Chi, 1992).
En se rapprochant de Coulet (2014), Lelebina et Sardas, (2011), caractérise l’expert par des “excellences” qui sont :
- “Proposition de meilleures solutions : capacité à proposer de meilleures solutions, plus rapidement et avec plus de précision que les autres.”
- “Détection et reconnaissance des problèmes : meilleure efficacité dans la détection et la perception des racines de la situation ou de la problématique.”
- “Analyse qualitative : la majeure partie du temps des experts est consacrée à l’analyse qualitative de problèmes, grâce à cette analyse ils développent une nouvelle représentation du même problème.”
- “Monitoring : les experts sont plus précis et plus exigeants de par leur capacité à détecter des erreurs.”
- “Stratégie : les experts sont plus efficaces que les non-experts pour choisir la stratégie appropriée.”
- “Effort cognitif : les experts peuvent extraire les connaissances et les stratégies pertinentes avec un minimum d’effort cognitif” (Lelebina et Sardas, 2011).
L’expert est donc supposé détenir des connaissances et des savoir-faire permettant aux organisations de résoudre des problèmes spécifiques ou de prendre des décisions (Dubois et al, 2005)[1] par la mobilisation de connaissances spécifiques (Coulet, 2014). Il est donc maintenant intéressant aux enjeux que représente l’expertise pour les organisations.
Les enjeux de l’expertise
De par son caractère spécifique et unique, l’expertise qui caractérise un individu est un enjeu fondamental pour les organisations. Les experts sont des “acteurs centraux” de la société de connaissance : dès qu’un problème s’annonce compliqué, le recours à un expert est envisagé (Dubois et al, 2005)[1]. Ces derniers sont expérimentés dans un domaine particulier, ils possèdent certaines compétences leur permettant ainsi de prendre des décisions plus rapidement et plus précisément que les novices (Bédard et Chi, 1992), ceci représentant un avantage stratégique.
La quête d’action efficace est non-stop dans notre société, l’expert représente alors non seulement celui qui sait, mais aussi celui qui sait comment faire et qui sait conseiller (Dubois et al, 2005)[1]. Il y a donc une “nécessité de reconnaître les personnes à fort potentiel technique” (Lelebina et Sardas, 2011), autrement dit les experts, afin de gérer au mieux cette expertise dans les organisations.
L’expert est un “Homme de connaissance et d’action, il incarne celui qui sait agir, décider ou conseiller pour décider, en connaissance de cause” (Dubois et al, 2005)[1]. Toute entreprise aura besoin d’experts dans différents domaines, l’expertise n’est pas requise dans tous les domaines, mais elle sera particulièrement nécessaire dans des domaines spécifiques et stratégiques. Par exemple, une expertise dans le domaine administratif est un plus dans une organisation, mais une expertise dans le domaine du nucléaire pour une entreprise de production électrique est un élément indispensable et stratégique.
L’enjeu de la gestion des connaissances a été appréhendé par les organisations dès les années 1990, afin de développer leur connaissance organisationnelle. Les entreprises ont la volonté d’identifier et de partager les connaissances d’expertise, en oubliant parfois l’aspect individuel et distinctif. En effet, “les connaissances individuelles, issues de processus d’apprentissage individuels, sont considérées par l’individu comme sa valeur compétitive sur le marché du travail” (Lelebina et Sardas, 2011). L’expertise représente un enjeu majeur pour les organisations, afin d’être compétitive et de se démarquer, elles doivent identifier, capitaliser et transférer l’expertise. Pour autant, tout le monde ne peut pas devenir expert, le caractère distinctif et unique disparaîtrait pour s’apparenter à des connaissances explicites.
Il peut être difficile pour les organisations de recruter des experts dans la mesure où elle ne possède pas les compétences requises pour les évaluer (Dubois et al, 2005)[1]. Un expert peut donc être considéré comme un individu dont la “compétence est reconnue” (Dubois et al, 2005)[1], il est alors intéressant de s’intéresser à la reconnaissance de l’expert dans les organisations.
Reconnaissance de l’expert
Après avoir défini l’expertise et appréhender ses enjeux, il est intéressant d’essayer de comprendre comment les individus sont qualifiés d’experts. Malgré de nombreux travaux et de théorie sur l’expertise, les entreprises ont du mal à définir clairement la notion d’expert (Lelebina et Sardas, 2011). Cela rend plus difficile la nécessité de repérer et préserver ces connaissances d’expertise. La question de la reconnaissance de l’expert ainsi que de sa légitimité dans l’organisation est donc un élément non négligeable pour les organisations.
Tout d’abord, pour qu’un individu soit considéré comme expert dans une organisation, il y a un besoin de “reconnaissance d’un rôle spécifique d’expert assuré par l’individu” (Lelebina et Sardas, 2011). L’expert a donc besoin d’une certaine légitimité pour exister dans l’entreprise. Cette légitimité peut émerger de plusieurs raisons : de par sa désignation par une institution (expert institutionnel) ou de par une reconnaissance au sein d’un groupe social[1] (expert émergent), de manière informelle (Dubois et al, 2005)[1]. Nombreux s’accorde sur le fait qu’un expert est reconnu au sein des organisations par leur détention d’un savoir et de compétence de haut niveau (Lelebina et Sardas, 2011).
L’expert institutionnel est désigné par une institution, il jouit alors d’une autorité légale et son statut est peu remis en cause. Au contraire, l’expert émergent tire son statut grâce à une “reconnaissance de compétences et savoir-faire” au sein d’un groupe. Sa reconnaissance est le résultat d’un processus spontané qui repose sur le bouche-à-oreille par exemple, ce qui ne lui confère aucune autorité légale pour revendiquer son statut. Cette reconnaissance repose donc sur ses savoirs, ses expériences, son image et sa réputation (Dubois et al, 2005)[1]. Il est important de noter qu’il sera ici question d’expert émergent plutôt que d’expert institutionnel au vu du thème de l’étude.
Ainsi, une définition de ce que représente un expert dans une organisation a été donnée par Lelebina et Sardas, (2011) :
- “Avoir des capacités et des compétences de haut niveau, assurées par un investissement personnel important dans le domaine d’expertise
- Jouer un rôle d’expert vis-à-vis de ses demandeurs, ses collègues et ses paires
- Et tout cela sur un domaine de savoir spécifique et donc stratégique pour l’entreprise”
Enfin, selon Lelebina et Sardas, (2011), l’expert peut être reconnu en fonction de la détention de “savoir professionnel standard ou de savoir professionnel spécifique”. Le savoir professionnel standard est un savoir détenu par un professionnel reconnu ayant des compétences dans un domaine, il a été embauché par l’organisation pour appliquer cette compétence en partant du postulat qu’il n’aura pas la nécessité de mobiliser ou de développer un savoir spécifique propre à l’entreprise. Le savoir spécifique quant à lui est un savoir professionnel spécifique à la particularité de l’entreprise développé depuis plusieurs années au sein de cette entreprise, qui nécessite un certain temps pour être acquise et qui est grandement stratégique du fait de sa similitude avec les connaissances tacites (Lelebina et Sardas, 2011).
Les experts sont donc élus experts sur la base de différents critères, mais surtout sur la base d’un savoir spécifique propre à une activité particulière. Les experts sont reconnus et légitimés grâce à leur “savoir pointu” et la manière dont celui-ci est perçu par les autres membres de l’organisation (Dubois et al, 2005)[1].
Les connaissances professionnelles sont indispensables à chaque personne exerçant une activité dans un domaine particulier : un concepteur IT se doit d’avoir certaines connaissances nécessaires à la conception informatique telles que des connaissances en informatique de base ou des connaissances en architecture fonctionnelle. Pour autant, les concepteurs d’application informatique propre à une entreprise se doivent d’avoir des “savoirs spécifiques” (Lelebina et Sardas, 2011) du fait de la spécificité des applications en elle-même. C’est donc de ces “savoirs spécifiques” qu’il sera question dans ce mémoire : les possibilités pour un concepteur expert de transmettre son savoir spécifique propre à l’entreprise et à l’application en elle-même.
[1] Au sein d’une communauté de pratique par exemple.
Références
- ↑ 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 1,11 et 1,12 [Dubois et al, 2005]. Dubois, S. Mohib, N. Oget, D. Schenk, E. Sonntag, M. (2005). Connaissances et reconnaissance de l’expert. Les cahiers de l’INSA de Strasbourg, 2005, 1, pp.89-108. ffhal-00340969v2f. Consulté le 17 mai 2023 sur : https://hal.science/hal00340969v2/document